Des solutions alternatives aux néonicotinoïdes pour lutter contre la jaunisse dans les cultures de betteraves
Dans une mise à jour de son avis de 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes, l’Anses a identifié vingt-deux solutions pour lutter contre les pucerons et la maladie de la jaunisse dans les cultures de betteraves sucrières. Ces moyens de lutte pourraient prendre le relais des produits à base de néonicotinoïdes, interdits depuis 2018, mais dont l’utilisation a été réintroduite par dérogation en 2020 pour les traitements des semences de betteraves. Ces solutions alternatives qui présentent des efficacités correctes mais insuffisantes en utilisation seule, nécessiteront une approche de lutte intégrée pour atteindre une efficacité suffisante, voire une évolution des pratiques culturales.
En 2020, de fortes populations de pucerons vecteurs des virus de la jaunisse ont envahi les cultures de betteraves. Cette situation a conduit à l’utilisation par dérogation de produits à base de néonicotinoïdes pour l’enrobage des semences de betteraves, en l’absence d’autres moyens de lutte suffisamment efficaces pour cette filière. Afin d’éviter que les producteurs et l’industrie sucrière ne se retrouvent de nouveau confrontés aux conséquences de ce problème, l’Anses a été saisie par le ministère chargé de l’agriculture pour identifier des alternatives efficaces et disponibles pour réduire les populations de pucerons infestant la betterave sucrière.
Quatre solutions à court terme ont été identifiées : deux produits phytopharmaceutiques conventionnels à propriété insecticide et deux pratiques à mettre en œuvre dans les parcelles cultivées afin de réduire les populations de pucerons. Il s’agit pour ces dernières du paillage et de la fertilisation organique, afin de contrôler les apports d’azote.
En plus de ces solutions immédiatement utilisables, 18 autres moyens de lutte devraient être disponibles dans un délai de deux à trois ans. Certains produits phytopharmaceutiques utilisés pour d’autres cultures pourraient également bénéficier d’une extension d’usage de leurs autorisations de mise sur le marché.
La plupart des solutions alternatives considérées substituables aux néonicotinoïdes montrent des efficacités correctes mais insuffisantes, en utilisation seule, pour réduire les niveaux de dégâts à un seuil économique acceptable. L’Anses recommande donc de soutenir l’effort de recherche et développement pour adapter les solutions identifiées sur d’autres cultures au cas de la betterave sucrière et tester des combinaisons de solutions dans une approche de lutte intégrée, ainsi qu’en matière d’épidémiosurveillance.
Un éventail de moyens de lutte complémentaires
Pour identifier ces moyens de lutte, le groupe d’experts a analysé plus de 3 800 références de la littérature scientifique, constatant que peu de ces travaux se sont intéressés à la lutte contre les pucerons de la betterave. Les experts ont néanmoins identifié un panel de solutions techniques existantes ou à développer. « Les solutions identifiées sont de nature diverse. L’utilisation de plusieurs produits ou méthodes en association sera à envisager pour obtenir un niveau d’efficacité suffisant et éviter l’apparition de résistances chez les pucerons », précise Hervé Jactel, le président du groupe de travail en charge de l’expertise. Parmi les solutions, on trouve des produits phytopharmaceutiques de synthèse et d’origine naturelle, des microorganismes, des insectes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons (les parasitoïdes pondent leurs œufs à l’intérieur des pucerons), des huiles végétales ou minérales, qui assurent une protection physique des betteraves, des méthodes de stimulation des défenses naturelles des plantes, la sélection de variétés de betteraves résistantes au virus de la jaunisse et enfin des méthodes culturales combinant la culture de la betterave avec d’autres plantes, dont la fonction est de réduire l’accès des pucerons aux plants de betterave ou de favoriser l’action des arthropodes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons.
Des alternatives adaptées aux betteraves
Cette expertise vient compléter le rapport rendu par l’Anses en 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes (PDF) : « Dans le cadre de la première expertise, nous avions une vision d’ensemble, avec 130 usages analysés, explique Emmanuel Gachet, coordinateur scientifique de l’expertise et responsable de l’unité Expertise sur les risques biologiques du laboratoire de la Santé des végétaux de l’Anses. Ici, nous nous sommes concentrés sur les deux espèces de pucerons principalement responsables de la transmission des virus de la jaunisse, le puceron vert du pêcher (Myzus persicae) et le puceron noir de la fève (Aphis fabae) pour identifier des solutions rapidement disponibles pour la betterave sucrière. » Cette expertise s’est concentrée sur l’efficacité, la durabilité et l’opérationnalité des solutions alternatives. Certaines sont encore en cours de développement et, pour celles qui sont réglementées, n’ont pas encore été approuvées au niveau européen. L’Anses rappelle que préalablement à leur utilisation, les produits phytopharmaceutiques doivent faire l’objet d’une évaluation de leur efficacité et des risques pour la santé de l’Homme et l’environnement, y compris les pollinisateurs, avant l’éventuelle délivrance d’une autorisation de mise sur le marché pour l’usage concerné. Elle souligne également la nécessité d’envisager des combinaisons de solutions disponibles, dans une démarche agroécologique, et notamment avec une perspective de diversification des cultures.