Suivi de la diffusion planétaire de la résistance aux antimicrobiens
Une équipe internationale de chercheurs publie de nouvelles informations précieuses sur les moteurs de la propagation des gènes responsables de l’antibiorésistance des bactéries. L’étude menée par les chercheurs du Quadram Institute et l'université d’East Anglia, en collaboration avec des experts de France, dont des scientifiques du laboratoire de Lyon de l’Anses, du Canada, d’Allemagne et du Royaume-Uni et va fournir de nouvelles informations dans la lutte contre l’antibiorésistance.
L’examen complet des séquences du génome d’environ deux mille bactéries résistantes, essentiellement des Escherichia coli recueillies entre 2008 et 2016, a permis à l’équipe d’étudier comment différents types de gènes de résistance évoluent dans le temps. Par exemple, certains gènes sont apparus en Amérique du Nord avant de se diffuser en Europe, tandis que d’autres ont été diffusés en Amérique du Nord à partir de l’Europe.
Comprendre les facteurs qui influencent le développement de l’antibiorésistance
L’étude ne porte pas seulement sur les origines géographiques des bactéries, elle s’intéresse également à divers hôtes, comme les êtres humains, les animaux, les aliments (la viande) et l’environnement (les eaux usées). L’objectif était de comprendre comment ces facteurs, séparés mais interconnectés, influent sur le développement et la propagation de l’antibiorésistance. La compréhension de cette interconnexion illustre l’approche One Health. Elle est essentielle pour appréhender les dynamiques et les mécanismes de transmission des gènes de résistance.
L’étude a été soutenue par la JPIAMR (Joint Programming Initiative on Antimicrobial Resistance, Initiative de programmation conjointe sur la résistance aux antimicrobiens), une collaboration qui regroupe 29 pays et la Commission européenne et qui vise à endiguer l’antibiorésistance. Faute d’efforts concertés à l’échelle planétaire, la résistance aux antimicrobiens fragilisera des millions de personnes en les rendant vulnérables aux infections causées par des bactéries et d’autres microorganismes et qui peuvent actuellement être traitées grâce aux antimicrobiens.
Étude des gènes de résistance aux antibiotiques critiques
L’équipe s’est penchée sur un groupe d’antimicrobiens particulièrement importants, les céphalosporines à spectre élargi. Ces antibiotiques ont été classés « d’importance critique » par l’OMS car ils sont utilisés en dernier recours dans le cadre de traitements contre des bactéries multirésistantes. Malgré cela, l’efficacité de ces traitements a décliné depuis leur apparition en raison de la résistance développée par les bactéries.
Les bactéries développent leur résistance aux céphalosporines à spectre élargi en produisant des enzymes appelées bêtalactamases, qui sont capables de neutraliser l’action des céphalosporines à spectre élargi.
La fabrication de ces enzymes est principalement contrôlée par deux types de gènes : ceux des bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) et des céphalosporinases (AmpC). On peut trouver ces gènes sur les chromosomes des bactéries lorsqu'ils ont été transmis à la descendance lors de la multiplication cellulaire, ou sur les plasmides, des fragments d’ADN distincts de l’ADN chromosomique, qui peuvent être transférés directement entre bactéries, ce qui représente un moyen d’échange de matériel génétique alternatif.
Cette étude permet d’identifier comment certains gènes de résistance prolifèrent lors de la multiplication de souches de bactéries ayant un fort succès, tandis que d’autres gènes sont transférés directement via les plasmides, d’un hôte à un autre et entre les pays.
Comprendre les flux d’information génétique au sein des populations bactériennes et entre populations est essentiel pour comprendre la transmission de l’antibiorésistance et sa propagation mondiale. Cette compréhension contribuera à l’élaboration d’actions indispensables pour freiner la résistance aux antimicrobiens, dans un monde où les bactéries issues de divers hôtes et environnements interagissent, et où les déplacements internationaux des biens et de personnes ont aboli les limites géographiques de ces interactions.
Un nombre limité de lignée de bactéries responsables de la diffusion de la résistance aux céphalosporines
Selon le professeur Alison Mather, cheffe de projet au Quadram Institute et à l'université d’East Anglia : « En rassemblant une telle quantité et une telle diversité de génomes, nous avons réussi à identifier les gènes clés qui octroient la résistance à ces traitements d’importance critique. Nous sommes également parvenus à prouver que la résistance aux céphalosporines à spectre élargi est dans la plupart des cas diffusée par un nombre limité de plasmides prédominants et de lignées de bactéries. La compréhension des mécanismes de transmission est indispensable pour concevoir des actions permettant de limiter la diffusion de l’antibiorésistance ».
Pour l’autrice principale, le Dr Roxana Zamudio, « La résistance aux antimicrobiens est un problème mondial, et seule la collaboration entre partenaires de nombreux pays nous permettra de parvenir à une compréhension globale de la propagation géographique de l’antibiorésistance et de ses mécanismes ».
Ce projet a reçu le soutien de la JPIAMR (Joint Programming Initiative on Antimicrobial Resistance), via le Medical Research Council (MRC, MR/R000948/1), le Canadian Institutes of Health Research (CFC-150770), et la Genomics Research and Development Initiative (Government of Canada), de la bourse n°01KI1709 du Ministère de l’éducation et de la recherche allemand (BMBF), de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail en France (Anses), et du Centre national de référence pour la résistance antimicrobienne (CNR).
Ce projet a également été soutenu par le Biotechnology and Biological Sciences Research Council (BBSRC), via l’Institute Strategic Programme Microbes in the Food Chain BB/R012504/1 et son projet constitutif, BBS/E/F/000PR10348 (Theme 1, Epidemiology and Evolution of Pathogens in the Food Chain).